Idéaliste, réaliste optimiste, consciente depuis l'adolescence que tout peut s'arrêter du jour au lendemain vu mon background familial, je me suis toujours levée en bondissant les pieds joints dans une énergie et une attitude positive et épicurienne, le sourire aux lèvres, le cœur chantant, le corps dansant, Radio Contact, NRJ, Nostalgie ou Fun Radio selon l'humeur, sur volume 3, dès 6h du matin.
Ces dernières années avec les jambes beaucoup moins légères. Je ne saute plus hors du lit, je me faufile hors de mes draps ; je marche sur la pointe des pieds, la joie plus mitigée. La radio éteinte, je n'allume ni la douche ni le chauffage, je me lave à l'évier et dans le froid dans une salle de bain remplie d'humidité. Et en sortant, je me tortille dans le noir, le tout par économie et pour ne pas avoir d'histoires avec les voisins. Le bon temps est révolu.
Le monde a changé.
On fait des remarques déplacées à un jeune ouvrier de 20 ans parce qu'il se lève à 5h du matin, le pas motivé. Car il a décidé un jour, à la fois intellectuel et manuel, n'aimant pas les études, voulant explorer le monde mais surtout aider sa maman gérant le ménage seule depuis sa naissance, il a eu ce courage de mettre des chaussures de sécurité, son bleu de travail, et d'affronter le monde des adultes un peu plus tôt que la norme. Dès qu'il rentre, il se change, il fume sa cigarette à la fenêtre et il s'évade 15 minutes en musique, ce qui lui vaut d'être regardé comme un extraterrestre dans le quartier.
La bonne humeur, le dur labeur et les vraies valeurs désormais dérangent. On leur préfère la critique et la méchanceté gratuites, l'oisiveté et l'individualisme. Les parents, majoritairement démissionnaires mais très attentifs à leur image en société, comptent sur l'école pour éduquer et garder leurs enfants le plus longtemps possible et échappent à leurs devoirs en programmant un maximum d'activités en dehors du foyer, prétextant ainsi les éveiller.
Aujourd'hui on tire à la mitraillette sur les personnes droites, intègres, intelligentes, curieuses, entières, cultivées, ouvertes d'esprit, professionnelles, sensées et souvent sensibles, on met de la pommade sur les bras de ceux qui ont du pouvoir et qui en abuse et on prend exemple sur ceux qui sont en représentation permanente, incompétents, qui ne se remettent jamais en question, fermés comme des huîtres sans perle.
Quand est-ce que ça a buggé ?
On ne peut plus rien dire. On ne peut plus rien écrire. On ne peut plus rien faire. On adule les simples d'esprit et les fourbes et on dénigre les plus intelligents au grand coeur. On donne en location des appartements hors de prix dans des conditions indignes et lamentables, on nourrit à coups d'insecticides et de conservateurs et on habille synthétique dans les pays développés au prix d'enfance volée dans les pays sous-développés. On octroie du travail à des gens inaptes et inexpérimentés et on met au chômage des gens compétents. Si auparavant avoir l'esprit d'équipe était une qualité recherchée, c'est dorénavant une faiblesse à éviter. On s'épanche hypocritement, photos et punchlines à l'appui, sur les misères du monde mais on est incapables de venir en aide à ses proches. D'aucuns imposent leurs droits en oubliant qu'ils ont aussi des devoirs et omettent de considérer le respect dans les deux sens. Et on descend dans la rue, omniprésents dans les médias sous la banderole de fausses luttes, qui font se retourner nos aînés dans leurs tombes.
The show must go on.
On prône la pauvreté au détriment de la richesse au sens figuré et l'inverse au sens propre. On oublie que derrière chaque personne au pouvoir, véritable assistée, il y a des petites mains sans lesquelles le système ne pourrait pas fonctionner. On est en 2020. On se croirait en 1940. Comment tout cela va-t-il se terminer ?
“Il nous appartient de veiller tous ensemble à ce que notre société reste une société dont nous soyons fiers : pas cette société des sans-papiers, des expulsions, des soupçons à l’égard des immigrés, pas cette société où l’on remet en cause les retraites, les acquis de la Sécurité sociale, pas cette société où les médias sont entre les mains des nantis, toutes choses que nous aurions refusé de cautionner, si nous avions été les véritables héritiers du Conseil National de la Résistance.” S.Hessel
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