Temps de crise, jour 2. On ne nous demande pas de nous arrêter de vivre, on nous demande de vivre plus intelligemment.
Karl Marx opposait le prolétariat à la classe capitaliste. J'ai réalisé en discutant en famille que j'avais en fait une vraie mentalité d'ouvrière dans le plus noble sens du terme. Alors que j'ai toujours été employée...le plus souvent dans sons sens le plus péjoratif.
L'avantage d'avoir commencé à travailler avec ses mains dans le cambouis à l'âge de 15 ans en tant qu'étudiante dans un snack, puis à 16 comme caissière, à 17 comme magasinière, ensuite tour à tour baby-sitter, hôtesse, telemarketeer, distributrice de tracts et enfin comme employée polyvalente dans l'HORECA, est d'avoir connu le monde du travail très tôt et d'une manière fort diversifiée. Ça donne une valeur aux choses et une idée de ce qu'on veut et de ce qu'on ne veut pas. On peut s'acheter des choses sans le demander aux parents et participer aux charges du ménage sans leur consentement.
J'étais alors une littéraire qui adorait lire et écrire, et une autodidacte qui débordait de curiosité...mais qui détestait étudier. Je voulais devenir journaliste après avoir voulu être vétérinaire, je confondais l'intestin des reptiles avec l'estomac d'autres animaux que je chérissais et j'écrivais des nouvelles en plus de mon journal intime ; j'étais une rêveuse-idéaliste créative qui vivait dans sa bulle.
Ecrire a toujours été une évidence. Mais j'ai toujours détesté l'étiquette d'intellectuelle qui va avec. Inconsciemment, j'ai toujours été déchirée entre deux mondes : l'intellectuel et le manuel. Parfois, j'adorais avoir ces deux facultés, complémentaires. Mais la vie nous oblige souvent à faire des choix : j'ai tenté des choses ; j'ai échoué mais j'ai aussi réussi. J'ai terminé ma vie estudiantine comme employée polyvalente dans un fast-food et j'ai commencé ma vie professionnelle comme assistante manager dans ce même fast-food. Très bonne école de la vie pour y entrer car on y fait autant la plonge que le service en salle, la caisse, le nettoyage, la cuisine et en tant que responsable la gestion du personnel, du stock et la logistique. J'ai de cette époque d'excellents souvenirs car bien qu'on effectuait un travail ingrat (debout, en 3 shifts, avec du stress permanent, des odeurs, ....), il n'était pas routinier, on était une équipe soudée, on travaillait dans une excellente ambiance et on ne voyait pas le temps passer.
Commencer sa vie professionnelle de façon aussi nourrissante à plusieurs niveaux fait qu'ensuite on met la barre assez haute. Devenir mère célibataire m'a obligé à me réorienter, c'est ainsi que je suis devenue employée de bureau. Je venais d'un job très actif et proactif où il y avait toujours quelque chose à faire...et j'ai atterri dans un service public où je m'ennuyais à mourir, pour garantir une certaine stabilité à mon fils. J'y suis restée 5 ans. Cinq années durant lesquelles j'ai travaillé au sein d'une très chouette équipe...mais où j'effectuais les mêmes tâches de façon robotique et intellectuellement pas très enrichissantes, sans réelles perspectives d'avenir.
Ayant interrompu mes études supérieures pour être mère, au fil des années j'ai voulu palier le manque de diplômes avec le plus d'expérience et d'opportunités possibles. Qui veut, peut. Je suis ainsi passée d'adjointe administrative à réceptionniste, admin. en compta. et logistique, contrôleuse de la qualité de médicaments, chasseuse de têtes au profil IT dans un cabinet de recrutement, puis consultante RH pour ouvriers, monitrice pour personnes handicapées, assistante payroll et enfin communicante. J'ai eu accès à des postes réservés à des universitaires en passant des tests et des assessments et j'ai appris davantage sur le terrain que sur les bancs d'école.
Ce que d'aucuns voient comme de l'instabilité, d'autres le perçoivent comme une manière de connaître un peu de tout sur tout et une grande capacité d'apprentissage rapide et d'adaptation. Savoir se débrouiller dans n'importe quelle condition est un atout majeur dans une époque où tout va vite et où on est confronté à un tas de situations différentes. Une personne polyvalente peut facilement faire le travail de 2 employés, voire 3 et elle le fait volontiers contre compensation.
Aujourd'hui la génération z a, à contrario, cette culture d'au moins on en fait, au mieux c'est mais a également cette exigence d'être bien rémunérée avec un maximum d'avantages extra-légaux. Cette génération est née avec Internet mais est incapable de faire fonctionner un percolateur. Elle a la flemme et veux tout tout de suite. Dire qu'elle est à la recherche du bonheur est un raccourci facile. On l'appelle aussi la génération silencieuse ou la génération C pour Communication. Ambitieuse mais pas débrouillarde. La faute aux parents.
Du temps de ma maman, les enfants n'étaient pas bien et pas assez considérés, ensuite ça a été mieux et plus équilibré, puis il y a eu l'enfant-roi. Pour lequel on fait tout, on donne tout, on le conduit partout...et on en fait un assisté. Par facilité. Par soucis de tranquillité. Par lâcheté. Par égoïsme.
"On ne peut donner que deux choses à ses enfants: des racines et des ailes".
C'est le deuxième lockdown qu'on vit en Belgique. Et c'est la deuxième fois que j'observe la façon dont les gens réagissent. Le monde court à sa perte et ça ne m'étonne pas. Il n'y a plus d'ambiance sur les lieux de travail, pas davantage de formations, d'investissement sur les travailleurs, ni d'esprit d'équipe, de reconnaissance ou d'entraide. Les familles ne connaissent plus les jeux de société ni les vrais échanges et discussions. Tout le monde fuit son quotidien sans jamais être rassasié, blasé. De quoi, on ne sait pas.
"Si tu veux connaître quelqu'un, n'écoute pas ce qu'il dit. Mais regarde ce qu'il fait." Dalaï Lama.
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