Netflix, hier soir, pieds sous la couette, chat et ordi. par-dessus, box Bose à droite. Envie d'authentique, de distrayant sans abrutir, avec de l'information à bon escient et de la transmission. C'est donc spontanément que j'ai recherché un documentaire, un biopic de préférence. Après avoir regardé, fascinée, la vie du footballeur américain Aaron Hernandez puis l'affaire Grégory (où l'on voit une fois de plus que les pires drames se jouent au sein-même de la cellule familiale et qu'une fois qu'une affaire est médiatisée, tous les acteurs pactisent tantôt entre eux, tantôt contre tous), j'ai opté pour Tell Me Who I Am, l'histoire de jumeaux britanniques derrière laquelle se cache un lourd secret de famille.
Chaque clan a son histoire. Ses hauts, ses bats. Ses joies. Ses peines. Ses luttes. Ses failles. Ses mystères. Ses moments de bonheur et ses ténèbres. Certains ont moins de chance que d'autres, sont nés du mauvais côté et doivent se battre non stop contre vents et marées. Je fais partie de ceux-là. J'ai du coup développé un comportement, une attitude et des aptitudes en conséquence : je me suis forgée un caractère dans l'adversité d'un côté, et j'ai dévoilé bien malgré moi au grand jour certains signes de faiblesse de l'autre. Inutile de dire que d'aucuns en ont usé et abusé. On attire ce qu'on est à un moment M. Mais aujourd'hui, après avoir réglé mes comptes avec les personnes concernées, analysé et compris mon parcours, je n'ai plus envie ni besoin (d'endurer comme de souscrire à) de revendications, de frustrations, de conflits ni de faux compromis. J'en ai assez des débats factices, des blablas, des cancans, des débordements, des promesses dans le vide, des investissements à sens unique, de marcher sur des œufs, des discours stériles, et des réclamations, qui succèdent aux négociations et qui aboutissent sur des conventions...trop rarement en accord avec mes principes, mes valeurs, mes qualités et mes compétences. Je suis lasse de me sacrifier. D'être utilisée, instrumentalisée à des fins pas très jolies, à mon insu. Je suis fatiguée de composer avec tout et tout le monde, dans tous les domaines, sans cesse et simultanément. Entre les victimes et les bourreaux, je demande l'équilibre presque parfait. A l'impossible, nul n'est tenu, surtout pas moi.
Après avoir subi une crise d'identité suite au désaveu, donc à l'abandon de paternité de mon géniteur, puis au changement de mon nom de famille alors que je n'avais pas 12 ans ; après m'être défendue contre la violence et les harcèlements moral et sexuel de mon beau-père à mon égard à l'adolescence mais également à l'égard de ma mère ; après avoir eu mal, si mal...et pleuré à chaudes larmes dans les toilettes ou dans ma cuisine plus qu'à mon tour et m'être mise maintes fois en colère suite aux injustices, aux maladies et à la précarité observées, rencontrées et vécues et après avoir tenté d'agir à mon niveau en politique, ou sur le terrain en aidant au mieux mes proches, des associations et partout où on avait besoin de moi, je me pose. Je m'impose. Je m'expose.
J'en ai le droit, mais surtout le devoir, envers moi. J'arrête de m'occuper d'autrui à mon détriment. J'ai 44 ans et autant d'années passées à me mettre de côté. A être au service des autres. A les écouter. A m'effacer. A me cacher. A ne pas être reconnue pour la personne que je suis. J'en ai fini avec ces combats sans fin, contre moi et contre le monde entier. A être en permanence sur le front, on passe à côté de ce qui est vraiment important et on perd de vue l'objet de nos batailles : on veut exister mais on oublie de vivre. On veut communiquer mais on est peu et mal compris car pas écouté et tout est mal interprété. On sert des causes, des gens, mais dans le fond, c'est une fuite en avant. Une protection. Une défense. Une attaque. Une excuse. Une volonté de combler un manque. Ou une thérapie temporaire. Et éphémère. Rien n'efface les blessures et les cicatrices. On ne peut pas changer ce qui s'est passé, ni réparer ce qui est brisé. On se construit malgré et à travers elles et on apprend à vivre avec. On admet qu'on n'a pas le contrôle sur tout. Ça prend du temps. Toute une vie.
"L'abnégation, la charité, résultent le plus souvent d'un défaut de vie personnelle". L. Blum
Je n'ai aucun regrets aujourd'hui. Je ne voudrais pas commencer à en avoir.
Crédit photo : LadyB. Porto-Vecchio, Corse, printemps 2019.
Citation du titre : Raymond Queneau
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