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Photo du rédacteurLadyBaroudeuse

Surenchère

Chaque année à cette époque, c'est la surenchère à propos de la réussite scolaire des enfants sur les réseaux sociaux. Je suis également maman. Mon fils a 22 ans, son diplôme de rhéto dans l'autre langue nationale en poche sans jamais avoir doublé, et il est en CDI depuis presque 4 ans dans un job qu'il adore. Bien sûr que je suis fière de lui. Il le sait. Et c'est surtout à lui que je le dis, même si j'ai dû poster l'allusion une ou deux fois, en toute spontanéité. La reconnaissance des parents vis-à-vis de leurs enfants est nécessaire, mais elle doit être bien dosée et bien dirigée.


"La manière de dire vaut mieux que les mots". Vladimir Jankélévitch

Qu'est-ce que cela peut bien signifier de féliciter ses enfants sur les réseaux sociaux, alors qu'ils ne sont bien souvent même pas en âge d'y être inscrits, si ce n'est pour, une fois n'est pas coutume, attirer l'attention sur soi d'une manière un peu facile mais surtout malaisante ? S'ils sont présents sur la toile, à l'âge où ils le sont, c'est pour toutes les raisons du monde...sauf celles de vouloir y être tagués par leurs parents...Et je sais de quoi je parle. Je suis "amie" avec mon fils depuis des années et je l'ai fait au départ pour avoir les coordonnées de ses meilleurs amis au cas où (anniversaire-surprise, ...) et pour les photos-souvenirs d'école. Bon, ça fait 10 ans. Depuis, ça a évolué. Il n'est quasi jamais connecté et je trouve ça plutôt sain. Quand j'ai eu le malheur de partager certains souvenirs que propose Facebook en le nommant pour le fun, il m'a gentiment remis à ma place, alors qu'on a toujours été très proches, préférant feuilleter nos albums photos en vrai, lors d'une soirée chill en m'écoutant raconter les anecdotes qui vont avec. Et je valide. Mes clins d'œil par rapport à lui sur la toile relève davantage de la nostalgie que du redorage de mon ego.


Bien sûr qu'en tant que parent, on participe à la réussite de nos enfants. On les suit, on les booste, on les encadre et on les recadre si nécessaire. Mais c'est bien à eux que revient la majeure partie du travail, donc du mérite. Et le mérite, par définition, est humble. Il ne se crie pas sur tous les toits. Car si un enfant est complètement autonome, et j'en connais, il n'aura jamais besoin de ses parents pour réussir. A contrario, si un enfant n'a pas envie d'étudier, ce n'est pas uniquement aux parents à lui donner envie de le faire mais, après s'être demandé d'où pouvait venir le problème, c'est également du côté des professeurs, de l'environnement et de l'entourage qu'il faut regarder, et au besoin, réfléchir et agir. Sauf s'il s'agit d'enfants souffrant d'un handicap ou d'une maladie grave, car la donne est évidemment différente, quand on parle d'instruction, il ne s'agit pas de se regarder le nombril car c'est une évidence : c'est un ensemble de paramètres qui jouent en faveur de l'enfant. Ou pas. Et c'est le job de chacun de tout faire pour que l'enfant réussisse. Sans rechercher à être applaudi et reconnu dans cette réussite.


"L'évidence paralyse la démonstration".

Il y a quelque chose de vraiment malsain et de l'ordre de l'assistanat je trouve dans la démarche de poster systématiquement chaque étape, célébration ou "réussite" de la vie de son enfant. D'abord, parce que jusqu'à l'école secondaire, sauf traumatisme et problème majeur, tout le monde réussit. Le souligner expressément sous-entend qu'on ne le pensait pas capable mais qu'il a réussi tout de même. Puis il faut distinguer le fait de réussir sans rien faire de celui qui a demandé moultes efforts. Sinon, cela engendrera un adulte qui trouvera bizarre qu'on ne le félicite pas à la moindre occasion. Avec toutes les conséquences psychologiques, pathologiques et sociales que cela implique. Ensuite, ça met forcément les projecteurs sur ceux, principalement pour des raisons qui leur échappent, qui échouent. Alors qu' un enfant qui n'aime pas étudier ou qui n'a pas les capacités de le faire, ça ne fait pas de lui un raté. Il y a bien des façons de réussir sa vie et dans la vie, sans pour autant passer par la case études. Même si c'est mieux et un plus indéniable. Enfin, les parents qui n'existent qu'à travers la réussite ou non de leurs enfants leur font porter un poids sur les épaules dont ils n'ont pas besoin. C'est une pression supplémentaire dont ils peuvent se passer et qui les handicape bien avant de rentrer dans leur vie d'adulte, sans parler du fait qu'un parent doit exister en dehors de son enfant. Ça ne peut que lui rendre service. L'enfant est un individu à part entière, avec ses propres aptitudes, son caractère, sa sensibilité et sa façon de fonctionner. Quand les parents projettent leur propre réussite à travers lui, ils ne font que l'étouffer et obtenir l'effet pervers de celui escompté.


Un enfant a besoin d'être encouragé et écouté, pas adulé, ni négligé. Aller vers la facilité et les extrémités est très aisé, tendre vers un équilibre l'est moins. C'est le travail de toute une vie.

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